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Business Science Institute

Sciences de gestion : des managers, des chercheurs... ou les deux ?



Professeur à la Haute école de gestion Arc à Neuchâtel

Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)

Docteur DBA du Business Science Institute



Professeur des universités en Sciences de Gestion

Président-fondateur du Business Science Institute

IAE Lyon, Université Jean-Moulin Lyon 3


*Membre de la faculté du Business Science Institute

 

Article initialement publié sur The Conversation France.



Cet article, issu d’une communication scientifique, est publié dans le cadre du partenariat FNEGE–The Conversation France autour des États Généraux du Management qui se sont tenus à Toulouse les 26 et 27 mai 2016 sur le thème « L’impact de la recherche en sciences de gestion ». Il a été co-écrit par Cédric Baudet (HES-SO), Michel Kalika (IAE-Lyon), Vincent Mottet (Business Science Intitute) et Frédéric Favre (Business Science Intitute).



Les managers ne lisent pas d’articles scientifiques en gestion. Pire, ils ignorent l’existence même de la recherche en management ! Cette assertion volontairement un peu provocante découle du « baromètre sur les attentes des entreprises en matière de recherche en management » de la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises (FNEGE). Quel est alors l’intérêt de produire des connaissances scientifiques en gestion si les entreprises en ignorent l’existence ou n’en tirent pas de profit ?


Des murmures se font entendre dans le monde académique pour dénoncer les impacts mineurs de la recherche en gestion, l’inapplication de ses résultats ou même son inutilité. Est-ce la faute des modes de communication des chercheurs très éloignés de ceux des entreprises ? Est-ce la faute des recherches éloignées des préoccupations des praticiens ? Est-ce la faute de la faible collaboration entre chercheurs et praticiens lors de la mise en œuvre de résultats de recherche ?


Quelle qu’en soit la raison, toujours est-il que les organisations sont des terrains d’étude nécessaires à la production de connaissances en gestion. Une voie de rapprochement entre ces deux univers, l’entreprise et la recherche réside-t-elle dans la transformation des managers en doctorant-manager ?

De la connaissance créée par des managers


Nonaka écrivait en 1991 que les connaissances peuvent émerger d’un chercheur, d’un manager ou encore d’un collaborateur. Ainsi, la production de connaissance n’est pas réservée aux chercheurs. Pour preuve, explorons trois recherches menées entre 2012 et 2015 par des managers dans le cadre d’un doctorate in business administration (DBA).


Le premier manager s’est interrogé sur comment mettre en œuvre un management stratégique environnemental pour un territoire transfrontalier. Les connaissances créées et transmises par une recherche-action ont permis d’identifier des potentiels tels que la baisse d’émissions de polluants, la fluidification du trafic, l’amélioration des indices biologiques et des gains financiers jusqu’à des centaines de millions d’euros par un changement d’apprentissage organisationnel.


Le deuxième manager a étudié si la perception de la performance adaptative des managers de proximité est similaire à celle de leur supérieur hiérarchique. À l’aide d’une recherche-intervention et quantitative, il en ressort que les femmes ont tendance à moins bien s’évaluer que les hommes et que les managers ayant une formation tertiaire ont une meilleure performance adaptative que ceux moins formés. De nombreuses connaissances utiles pour développer les ressources humaines de son organisation ont été créées et sont transmises lors de séminaires pour cadres.


Le troisième manager a exploré comment la participation des utilisateurs influence le succès lors de la mise en œuvre de systèmes d’information. Au-delà des connaissances théoriques créées comme réponse à cette question dans sa thèse de DBA, des conseils pragmatiques de mise en œuvre de SI ont été transmis par l’écriture d’un chapitre à destination des managers dans ouvrage collectif.


Avantages et limites de la position de manager-chercheur


Les réflexions issues du vécu quotidien en entreprise par le manager-chercheur lui permettent de proposer des questions de recherche pertinentes pour les organisations. Cette proximité du terrain lui confère un avantage important et un accès facilité aux données. Le manager-chercheur peut ainsi faire de la recherche « dans et avec » l’organisation plutôt que « sur » les organisations. Il va opter alors pour une visée plus transformative que contemplative.


Si nous avons laissé entendre que l’accès facilité aux données est un avantage, ceci peut aussi soulever quelques difficultés. En effet, les données à disposition sont souvent vastes, non structurées et scintillantes. De plus, le manager-chercheur doit savoir prendre de la distance avec l’objet observé qu’il connaît très (trop) bien ! Pour cela, il doit confronter ses idées avec des chercheurs par des communications scientifiques.


Pour un manager-doctorant, des contacts réguliers avec son directeur de thèse sont garants d’une prise de recul bienvenue. Les écoles doctorales (PHD ou DBA) sont des lieux d’échange majeurs pour acquérir les compétences théoriques nécessaires pour mener des recherches de qualité, fussent-elles menées en entreprise et pour l’entreprise.


Pourquoi un manager-chercheur veut-il créer de la connaissance ?


Le besoin de reconnaissance semble être un moteur à la création de connaissances par les managers. Cette dernière peut prendre différentes formes telles que le sentiment de respect de ses proches face aux difficultés de concilier une activité professionnelle combinée à des activités de recherche ou encore le respect au regard de ses réalisations passées.


En plus de créer des connaissances, le manager désire les transmettre. Ainsi, le manager-chercheur transmet de la connaissance dans son organisation. De plus, par la publication de communications académiques, il se soumet au processus rigoureux de transmission de connaissances scientifiques. Nous constatons aussi que le manager-chercheur accepte volontiers de transmettre des connaissances aux étudiants des business schools. Enfin, le manager-chercheur rédige des articles destinés au grand public pour diffuser les connaissances créées et peut aussi publier des ouvrages. La transmission est alors aussi un vecteur de création de reconnaissance. Voici une belle manière de boucler la boucle création – transmission – reconnaissance !


Les sciences de gestion sont des sciences de l’action. La participation des entreprises est donc fondamentale pour développer l’impact des recherches en management. Sans vouloir remplacer l’enseignant-chercheur dont les apports ne sont plus à démontrer, le manager-chercheur peut participer à la création et à la transmission des connaissances.


Bien entendu, les modes de coordinations entre le monde de l’entreprise et de la recherche sont encore à développer. Une réponse pourrait être la nomination des managers-chercheurs à la fonction de chercheurs associés pour autant que ces derniers justifient d’un parcours académique adéquat. Ne serait-ce pas enfin une reconnaissance des chercheurs par les praticiens et donc aussi un pas dans la reconnaissance des praticiens par les chercheurs ?


 

A découvrir...


Les tribunes de Cédric Baudet sur The Conversation France.


Les ouvrages & articles de Cédric Baudet via CAIRN.info.


Les tribunes de Michel Kalika sur The Conversation France.


Les ouvrages & articles de Michel Kalika via CAIRN.info.








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