Grégory Bressolles
Professeur de marketing
Responsable de la Chaire "Business in a Connected World"
Kedge Business School
Frédéric Ponsignon* (photo)
Professeur Associé en Management des Opérations
Kedge Business School
*Membre de la faculté du Business Science Institute.
Article initialement publié sur The Conversation France.
Les résultats d’une étude menée par KEDGE Business School pour le compte de l’Association française de normalisation (Afnor) montrent que la fonction QSE (Qualité Sécurité Environnement) possède la légitimité et les compétences nécessaires pour accompagner la démarche de transformation digitale de l’entreprise.
En effet, l’expertise des professionnels du management QSE en matière de conduite du changement (recueil des besoins, accompagnement des collaborateurs, évaluation de la performance et amélioration continue), et son positionnement unique, à la fois global et transverse au sein de l’entreprise, désignent la fonction QSE comme un contributeur potentiel majeur au service de la démarche de transformation digitale.
Cette contribution concerne à la fois l’élaboration de la démarche de transformation digitale, son animation et sa pérennisation.
Prise de recul
Tout d’abord, en ce qui concerne l’élaboration de la stratégie de la démarche de transformation, la fonction QSE peut contribuer à identifier les aspects prioritaires et critiques de la transformation, analyser les risques et opportunités liés à la transformation, évaluer les impacts potentiels, positifs et négatifs, de la transformation sur l’entreprise ainsi que porter la voix du client externe et interne.
La position transverse du management QSE permet ainsi une prise de recul, afin de poser les bonnes questions au cours de la planification de la démarche de transformation et d’en anticiper les conséquences structurelles et organisationnelles.
Un responsable QSE de l’étude menée par KEDGE en témoigne :
« Tous les projets transversaux sont souvent portés par la qualité. La digitalisation est un projet transversal impactant l’ensemble des processus de l’entreprise. Cela paraît naturel que la qualité porte la digitalisation en un axe stratégique, à un plus haut niveau managérial. La qualité permet de déterminer et d’orienter les besoins en digitalisation ».
Un rôle de chef d’orchestre
La démarche de digitalisation donne aussi l’opportunité au management QSE de démontrer sa capacité à conduire des changements, et en particulier un programme de transformation majeure comme la transformation digitale. Il apparaît d’ailleurs essentiel que la fonction QSE ne soit pas vue comme un frein dans les projets mais comme un facilitateur. Au contraire, le management QSE peut jouer un rôle de chef d’orchestre de la démarche.
Le QSE peut tirer profit de sa vision globale et transversale de l’organisation afin de favoriser la mise en place d’une démarche collaborative et inclusive. Son implication peut contribuer à atténuer les facteurs humains et culturels de résistance au changement, qui sont souvent les principaux freins à la réussite de la transformation digitale. Cela permet de favoriser la co-construction d’une démarche de transformation partagée et acceptée par tous les collaborateurs.
Ce principe est notamment illustré par la mise en place d’un réseau social dans l’entreprise Ponticelli, spécialisée dans les services à l’industrie. Une initiative portée à partir de 2015 par la responsable qualité et qui a abouti à la mise en place d’une plate-forme collaborative afin de favoriser le partage d’expériences et le benchmarking interne. En particulier, le réseau donne un accès aisé au système documentaire, intègre des fils de discussions (au sens d’un réseau social), facilite les groupes de travail en leur mettant à disposition des espaces réservés et des accès rapides et efficaces à la vidéoconférence.
Amélioration continue
Pour s’assurer que la transformation digitale soit un processus permanent d’amélioration continue, le management QSE doit jouer un rôle d’alerte en cas de risque ou de problème avéré, provoqués par un outil digital. Il pourra ensuite faire un diagnostic et définir des actions avec le(s) service(s) concerné(s) en intégrant des outils de partage d’expérience.
Le management QSE est, comme on l’a vu, idéalement placé pour capitaliser sur les savoirs liés à la transformation de l’organisation et pour veiller à la cohérence du système de management à la suite de changements et d’évolutions en termes d’organisation, de pilotage de processus, de mesure, de maîtrise des risques, etc.
Ainsi, la fonction QSE peut contribuer à l’utilisation d’outils digitaux facilitant la gestion simplifiée de diffusion et de traitement des données recueillies, à la constitution d’une base documentaire des incidents, et à la formalisation des solutions qui ont été trouvées par d’autres collaborateurs.
Enfin, le management QSE peut contribuer à la pérennisation de la démarche de transformation digitale en créant et révisant les procédures et les modes opératoires des processus digitalisés ainsi, qu’en mettant en place les procédures adaptées pour former les salariés à l’utilisation d’outils digitaux.
Un interlocuteur privilégié pour le CDO
Il ressort également de notre étude que l’un des facteurs de succès de la transformation digitale est la collaboration entre Chief digital officer (CDO) – ou la direction des systèmes d’information (DSI) – et le management QSE tout au long de la démarche. Il apparaît essentiel que la double compétence « digital » et « métier » soit présente dans les projets de digitalisation.
Les fonctions QSE (garantes de l’expertise métier, des visions fonctionnelle et transversale et de la compétence en conduite du changement) et le CDO (porteur de l’expertise numérique et technique, et en charge de la gestion de l’évolution du SI) peuvent remplir ce rôle et ont donc beaucoup à gagner à travailler ensemble.
L’efficacité de ce binôme trouve une illustration dans le cas de l’entreprise de fabrication de sirops Routin. En 2017, pour répondre à des contraintes réglementaires, à des demandes clients (envoi de données supplémentaires dans les fiches produits) et à des faiblesses en interne (suppression d’articles compliquée, validation longue des données…), la responsable QSE a piloté un nouveau projet en collaboration étroite avec un référent désigné chez l’éditeur de logiciel. Le nouvel outil mis au point a permis d’aboutir à un outil un gain de temps pour les utilisateurs et à une fiabilité accrue des données.
Bien sûr, il va de soi que la fonction QSE ne porte pas seule le chantier de transformation de l’entreprise. Mais sa capacité reconnue à animer les collectifs dans une perspective de conduite du changement et son « outillage » méthodologique constituent des leviers importants à toutes les phases du projet digital, depuis le lancement jusqu’au retour d’expérience, en passant par la résolution des problèmes inhérents à tout changement majeur. Aux entreprises de s’en rendre compte pour ne pas passer à côté des nombreuses opportunités offertes par la transformation numérique.
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