Martin Lemelle, DBA
Vice-President exécutif et CFO – Maryland Institute College of Art (MICA)
Doctor DBA - Business Science Institute
Thèse de DBA dirigée par le Pr. L. Martin Cloutier, Ph.D.
ESG-UQAM
Business Science Institute
Introduction
Le changement organisationnel durable est défini comme la capacité d'une organisation à se maintenir en permanence et à préserver son existence du déclin ou de l'échec. En raison des forces actuelles qui contraignent l'enseignement supérieur à adopter des mesures pour contrer les énormes pressions financières, et maintenir son existence, de nombreux défis ont entravé la mise en œuvre d'un changement efficace. L'objectif de cette recherche consistait donc à identifier les facteurs clés de succès et à fournir des perspectives pour la planification stratégique et le changement, comme le montrent les interprétations des parties prenantes de trois établissements d’enseignements supérieurs étatsuniens.
La recherche s'est concentrée sur la question : Quelles sont les dimensions pertinentes dans la relation entre la culture de l'université et sa capacité à mettre en œuvre le changement ? Les institutions d’enseignement supérieur comme les universités sont des organisations dynamiques qui ont de nombreux besoins en matière de gestion du changement. Compte tenu de la complexité et de la diversité des parties prenantes impliquées, les incidences culturelles d'une mise en œuvre réussie du changement sont essentielles à son succès. Pour établir un lien entre la culture et le changement, les dimensions de la diversité, de l'expérience professionnelle et de la formation ont été étudiées.
Impacts et principaux résultats de la recherche
Les résultats obtenus sur les trois sites de recherche indiquent qu'il existe sept classes de facteurs clés de succès. Ces classes sont les suivants : le Changement organisationnel durable ; la Collaboration ; la Gestion de la performance organisationnelle et la réussite des employés ; la Planification stratégique ; l'Amélioration continue ; les Processus, les procédures et l'évaluation ; la Stratégie de gestion financière ; et les Relations entre les dirigeants et les parties prenantes. Les résultats suggèrent que ces facteurs de succès guideront les établissements d'enseignement supérieur à gérer durablement le changement.
Les lignes directrices suivantes sont présentées sous forme de recommandations managériales :
Reconnaître et comprendre la nature polyphonique de l'organisation. Le pouvoir d'une organisation polyphonique réside dans sa capacité à écouter activement les nombreuses voix qui s'expriment et à travailler ensuite à la réalisation d'une harmonie stratégique dans la mesure du possible. Si l'harmonie est un état idéal, le discours qui l’accompagne est à la fois attendu et productif. La fonction du collège ou de l'université en tant qu'organisation polyphonique est une force et devrait être acceptée en tant que telle à l'intérieur et à l'extérieur de ses murs. Le rôle du dirigeant dans la gestion de l'environnement est primordial pour tout programme de changement durable d’une organisation.
Recruter des personnes dirigeantes qui s'engagent envers les parties prenantes, à collaborer et à soutenir l'expérience à la vie étudiante. La principale responsabilité du conseil d'administration d'un établissement d'enseignement supérieur est de choisir une personne dirigeante pour le poste à la chancellerie ou à la présidence. La responsabilité principale de la personne dirigeante de l'établissement est de s'assurer qu'elle favorise un environnement de collaboration avec et entre les communautés de parties prenantes. Si l’ensemble des parties prenantes est important, la principale dans l'écosystème de l'enseignement supérieur est constituée des personnes étudiantes. La réussite étudiante dépend fortement de la qualité de leur expérience. Il n'y a pas de changement organisationnel durable sans un engagement à fournir un excellent service à la vie étudiante.
Investir dans un environnement organisationnel collaboratif qui favorise la gestion des performances de l'organisation et la réussite des employés. La relation du leadership avec les parties prenantes est une dimension qui a donné lieu à divers degrés d'importance, de faisabilité et de pertinence. Les participants fondent la majeure partie de leur confiance en une personne dirigeante sur les communications sociales. Des évaluations rapides sont faites sur l'appréciation agréable ou désagréable de la nature de leur relation avec elle. Si l'évaluation est positive, ils font confiance à la personne dirigeante, si l'évaluation est négative, la confiance est alors compromise.
Garantir que les initiatives de management du changement soient assorties d'un processus de mise en œuvre et d'évaluation clairement défini. Pour garantir la vitalité du changement, il faut un processus de mise en œuvre et d'évaluation clairement défini. Les personnes qui dirigent les établissements d'enseignement supérieur comprennent que l'utilisation de l'intelligence d’affaires et de l’analyse prédictive peut améliorer de manière significative la façon dont les membres de l'équipe travaillent. Parmi ces améliorations, citons l'amélioration des prévisions d'inscription, l'augmentation des taux de rétention des étudiants et des taux d'obtention de diplômes, ainsi qu'une plus grande efficacité dans les responsabilités des employés. Pourtant, de nombreux établissements d'enseignement supérieur n'ont pas encore intégré l'analyse prédictive dans leurs activités et n'ont pas encore obtenu les résultats escomptés. Le changement par le biais d'analyses de pointe peut s'avérer difficile pour toute organisation - dans l'enseignement supérieur, les difficultés sont encore plus grandes. L'impératif pour l'avenir est d'articuler une commande d'analyse prédictive qui va au-delà de la cohérence. En effet, les hautes directions de l'enseignement supérieur doivent faire savoir que l'évaluation est un besoin vital. Le programme et l'équipe d'analyse prédictive doivent être considérés comme une composante essentielle du processus de prise de décision et comme un élément important du modèle financier de l'établissement.
Les personnes dirigeantes devraient améliorer l'évaluation et étendre la communication de la gestion financière à toutes les parties prenantes. Tout d'abord, il est impératif que les établissements d'enseignement supérieur prennent des mesures proactives pour renforcer leur situation financière. Une mesure immédiate et efficace consiste à tirer avantage de l'occasion pour examiner attentivement la situation de la trésorerie et la santé financière générale de l'organisation. Deuxièmement, les établissements doivent déterminer les ratios financiers clés pour mesurer et monitorer le succès. Ces ratios et paramètres, qui comprennent notamment les fonds de réserve, le rendement des dotations, les actifs nets et le ratio de viabilité, fournissent à l'organisation une mesure constante de sa situation financière. Les institutions qui peuvent rapidement faire pivoter leur stratégie financière seront mieux positionnées pour assurer un changement durable. Outre l'évaluation et l'élaboration d'une stratégie financière, la communication et la transparence de ces informations sont encore plus importantes pour la communauté des parties prenantes.
Fondements conceptuels de la recherche
Les organisations polyphoniques sont des institutions à voix multiples (Andersen, 2003). La nature polyphonique de l'écosystème universitaire est fondamentalement ancrée dans la logique et l'émotion. Les dimensions clés d'un changement organisationnel durable comprennent l'évaluation adéquate, la culture institutionnelle, la gestion financière, la planification stratégique, le leadership et la durabilité. La conceptualisation a permis d'établir, d’une part, un lien direct entre cette notion d'organisation polyphonique et les personnes participantes dans la démarche de recherche afin de connaître le contexte de leurs expériences, et d’autre part, de trianguler la richesse de cette expression avec les idées extraites des données qu'elles ont fournies lors des groupes de discussion.
Méthodes de recherche
Une démarche de cartographie des concepts en groupe (CCG) a été utilisée pour conduire les travaux de recherche dans trois universités américaines afin d'étudier les facteurs affectant le changement organisationnel de manière durable dans les établissements d'enseignement supérieur. La CCG a été choisie en raison de son intégration innovante de méthodes mixtes toutes utiles pour capter l'expérience des personnes (méthodes qualitatives) et pour estimer les conceptualisations et les perceptions (méthodes statistiques multivariées). Le cadre méthodologique de la recherche comprenait six étapes principales : (1) la préparation ; (2) la génération d'idées ; (3) la structuration des idées en énoncés ; (4) l’analyse des cartes de concepts ; (5) l’interprétation des résultats ; et (6) l’utilisation et la mobilisation des résultats. La phrase d’accent définie comme le fil conducteur de l'étude était : « Un facteur critique de succès, tangible (p. ex. : les ressources) ou intangible (p. ex. : le leadership), ayant actuellement un impact sur un changement organisationnel durable (par exemple, l'utilisation du système, la structure organisationnelle, les engagements financiers) serait... ». Les idées ont été générées par des participantes, participants (n=53) activement engagés et désireux de faire part de leurs réflexions. Un groupe de discussion d’environ 90 minutes chacun a été conduit à chacun des trois sites de recherche. Après avoir transcrit les trois groupes de discussion et intégré leurs contenus, 80 énoncés ont été structurés pour refléter l’ensemble des idées proposées par les participants. Au total, n=71 participants des trois sites de recherche ont procédé au tri et à l'évaluation des énoncés lors de l'étape de structuration. Trois échelles de perception ont été estimées pour évaluer l'importance relative, la faisabilité et la pertinence de chaque élément en tant que facteur clé de succès. La validité externe des résultats a été établie lors d'une session de débriefing à laquelle ont pris part des participants (n=11) des trois sites de recherche. Les facteurs de succès identifiés peuvent guider les institutions à gérer le changement organisationnel de manière durable.
L'avis des professeurs
Les questions d’équité, de diversité et d'inclusion constituent l'un des plus grands défis du domaine de l'éducation étatsunienne et du contexte actuel aux États-Unis. Elles vont de pair avec le concept d'organisation polyphonique dont il est question dans cette thèse, et elles sont également essentielles à la réussite de toute initiative de changement organisationnel durable. Je suis heureuse de voir que ce lien critique est discuté (Professeure Khadija Al Arkoubi, membre du jury de thèse).
La thèse est présentée de manière logique et appropriée. L'utilisation de la cartographie des concepts en groupe comme cadre méthodologique de recherche est particulièrement impressionnante et intéressante (Professeure Denise Potosky, membre du jury de thèse).
Pour aller plus loin...
Andersen, N. A. (2003). Polyphonic organisations. In T. Bakken & T. Hernes (Eds.), Autopeietic organization theory. Drawing on Niklas Luhmanss’s Social Systems Perspective (pp. 151–182). Copenhagen Business School Press.
Cloutier, L.M., Larivière, D., & Tremblay, G. (2019). Field-oriented contextualization of the Group Concept Mapping method: illustrations in the health sector in France; and Canada, The United States and The United Kingdom. In F. Chevalier, L.M. Cloutier, & N. Mitev (Eds.). Research Methods for the DBA (pp. 527–553). Editions EMS.
Kane, M., & Rosas, S. (2018). Conversations About Group Concept Mapping. Applications, Examples, and Enhancements. SAGE.
Menon, S., & Suresh, M. (2020). Factors influencing organizational agility in higher education. Benchmarking: An International Journal, 28(1), 307-322. http://doi.org/10.1108/BIJ-04-2020-0151
Shriberg, M. (2002). Institutional assessment tools for sustainability in higher education: strengths, weaknesses, and implications for practice and theory. Higher Education Policy, 15(2), 153-167. http://doi.org/10.1108/14676370210434714
Trochim, W. M. (2017). Hindsight is 20/20: reflections on the evolution of concept mapping. Evaluation and Program Planning, 60, 176–185. https://doi.org/10.1016/j.evalprogplan.2016.08.009