Doctor Leïla Kamara (DBA Paris 6)
Prix Impact Managérial 2024
Business Science Institute
Introduction
Les réglementations internationales n’ont cessé d’évoluer depuis la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992) à l’accord de Paris (2016), néanmoins l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre est resté le même. Les individus, les entreprises et les nations sont de plus en plus mobilisés dans le but de maintenir la température planétaire à 1,5°C. Dans ce contexte, les investisseurs sont amenés à repenser leur modèle d’investissement. Quel est le modèle que je propose ?
Impact(s) de la recherche
L’objet de ma recherche adresse la crédibilité des investissements socialement responsables souvent dénoncée par le public. L’intérêt a été de vérifier si ces investissements généraient véritablement un impact positif sur l’environnement tout en préservant la rentabilité financière des investissements. Les résultats de ma recherche ont démontré que les performances environnementales des entreprises cotées polluantes pouvaient être positivement impactées au niveau des émissions de CO2 et de la gestion des ressources car il s’agit là de composants soumis à des réglementations de plus en plus strictes et contrôlées, néanmoins l’impact sur l’innovation environnementale restait fortement négatif, ce volet ne faisant l’objet d’aucune réglementation ni d’aucun critère d’attribution du Label ISR.
Quant à la rentabilité financière, la performance boursière des entreprises polluantes investies se voit également négativement affectée, reflétant la réticence des investisseurs responsables à y effectuer des placements. En effet, les sociétés de gestion se mobilisent à travers différentes initiatives pour faire preuve de leur promesse à atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris, se désengageant ainsi des entreprises polluantes. Ainsi, Net Zero Asset Managers Initiative, créée en 2020, regroupe déjà plus de 300 sociétés de gestion à travers le monde parmi lesquelles BlackRock, Amundi ou Nomura. L’ensemble représente un encours de $ 57 500 milliards en 2024, engagé à investir en priorité dans des entreprises non polluantes, au détriment des autres. Ce risque de transition étant trop élevé sur le plan économique, il m’a semblé plus que nécessaire de penser un modèle d’investissement où les entreprises polluantes seraient accompagnées plutôt qu’abandonnées.
Je propose la structuration d’un portefeuille diversifié alternatif qui combine des investissements dans des entreprises polluantes cotées déployant une stratégie « best effort » en innovation environnementale éprouvée, sélectionnées à partir de critères incluant l’urgence climatique et la maturité de l’innovation sur le marché dans lequel elles opèrent, ainsi que dans des entreprises non cotées (start-up) dont le cœur de métier est l’innovation environnementale, avec un fort focus sur les solutions de production d’électricité.
Fondements de la recherche
La réflexion de mon étude se structure autour de trois théories, à commencer par l’approche « RSE stratégique » de Baron (2001) qui consiste à créer un avantage concurrentiel de l’entreprise grâce à sa stratégie RSE, laquelle m’a conduite à chercher dans quelle mesure une entreprise « polluante » pourrait se différencier afin de continuer à être attractive sur le marché financier. L’approche du « Business Case for Corporate Social Responsibility » de Vogel (2005) qui consiste à considérer qu’une entreprise peut performer non seulement grâce à son cœur d’activité mais également en étant responsable dans l’exercice de ses activités m’a orienté pour approfondir le thème de l’innovation environnementale et les bénéfices qu’une entreprise pourrait en tirer en l’intégrant au cœur de sa stratégie de développement. Enfin, l’approche ‘SMART’ de Doran (1981) qui consiste à définir un objectif Spécifique, Mesurable, Acceptable, Réaliste, Temporellement défini, a été un élément clé dans la définition du portefeuille structuré que je propose et dans la définition de son objectif.
Méthodologie
Le cadre méthodologique repose sur une recherche hypothético-déductive avec une revue de littérature axée autour de trois thèmes qui identifient les relations entre l’ISR, la performance environnementale et la performance financière qui a donné lieu à trois hypothèses. La mesure d’impact étant un sujet peu étudié selon de nombreux auteurs tels que Margolis et al. (2009) ou Arjaliès et al. (2020), une quatrième hypothèse s’est imposée, selon laquelle l’ISR jouerait un rôle modérateur dans la relation entre la performance environnementale et la performance financière de l’entreprise investie. L’étude empirique a consisté à effectuer des tests de régressions linéaires simples et SURE de ces quatre hypothèses en utilisant l’outil STATA, sur base d’un échantillon de 21 fonds sélectionnés selon une méthodologie non probabiliste par quota, sur une période de trois ans, donnant lieu à 279 observations.
Pour aller plus loin
Arjaliès, D.-L., Bouchet, V., Crifo, P., & Mottis, N. (2020). La mesure d’impact et l’investissement socialement responsable (ISR) : Un tour d’horizon. In E. Tchotourian, L. Bres, & L. Geelhand de Merxem (Eds.), Zone frontières et entreprise socialement responsable – Perspective multiple : droit, administration et éthique (pp. xx-xx). Yvon Blais (Canada) & Mare.
Chevalier, F., & Kalika, M. (2023). Research in Sustainability. EMS. (Chapter 22: Socially responsible investment: the imbroglio of European regulatory changes by Leïla Kamara)
Radhouane, I., Nekhili, M., Nagati, H., & Paché, G. (2018). The impact of corporate environmental reporting on customer-related performance and market value. Management Decision, 56(7), 1630-1659. https://doi.org/10.1108/MD-01-2018-0040
Ferrari, O. (2021). Collection of articles published in l'AGEFI | Spécial COP26. Published 23 November 2021.
Mots-clés: Investissement socialement responsable (ISR), durabilité, performance environnementale, performance financière, Responsabilité sociale des entreprises (RSE).