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Photo du rédacteurBusiness Science Institute

Résilience en temps de crise : opportunités et enjeux pour les managers



Jean-Fabrice Lebraty*

Professeur des universités

IAE Lyon school of management

Université Lyon 3


*Membre de la faculté du Business Science Institute


 


La crise sanitaire mondiale a mis en lumière un terme devenu central dans le débat public : la résilience. En cette période de bouleversements sans précédent, comprendre et intégrer les concepts de résilience est indispensable pour les managers et décideurs. Cette chronique explore les différentes facettes de la résilience, ses implications pour les organisations et les individus, ainsi que les opportunités et les risques qu'elle présente.





La résilience : cadre de réassurance et risque de stagnation


Le concept de résilience n'est pas nouveau. Il est utilisé depuis plus de cinquante ans pour décrire la capacité d'un système, qu'il soit individuel, organisationnel ou social, à résister aux chocs et à retrouver un état de fonctionnement normal. Dans le contexte de la crise sanitaire, la résilience offre un cadre rassurant, une promesse de stabilité et de retour à un certain ordre.


Cependant, cette même résilience peut parfois être perçue sous un angle négatif, notamment lorsque l'accent est mis sur la résistance au changement. En management, cette résistance peut entraver l'adaptation et l'innovation nécessaires pour saisir les opportunités qui émergent des crises. En effet, chaque crise, aussi dévastatrice soit-elle, comporte des aspects positifs et des occasions de transformation.


Modèles de résilience : individus et organisations


Les modèles de résilience diffèrent selon qu'ils s'appliquent aux individus ou aux organisations. La résilience individuelle, souvent associée au concept de coping, décrit les stratégies déployées par les personnes pour faire face aux difficultés. Ces stratégies peuvent être préventives, se manifestant avant même que le choc ne survienne, ou réactives, déployées pendant ou après la crise.


Pour les organisations, la résilience repose sur des principes structurants tels que l'obsession pour l'étude des échecs passés, la volonté de comprendre la complexité des situations plutôt que de les simplifier abusivement, et la capacité à anticiper et à réagir rapidement aux perturbations. Ces principes, bien étudiés par des chercheurs comme Karl Weick, sont essentiels pour que les organisations puissent non seulement survivre, mais aussi prospérer en temps de crise.


La dimension temporelle de la résilience


La résilience ne peut être pleinement comprise sans prendre en compte la dimension temporelle. La question "Combien de temps faut-il pour être résilient ?" est clé. La crise sanitaire , que certains qualifient même de désastre en raison de son ampleur inédite, a forcé des milliards de personnes à se confiner. Cette situation sans précédent nécessite une réflexion approfondie sur la durée et les phases de la résilience.


En management, le concept de disaster management, ou gestion des désastres, devient pertinent. Il dépasse la simple gestion de crise pour inclure des stratégies de long terme visant à reconstruire et à adapter les systèmes aux nouvelles réalités.


Au-delà de la résilience : d'autres concepts clés


Si la résilience est fondamentale à appréhender, il est important de ne pas négliger d'autres concepts pouvant enrichir la réflexion sur la gestion de crise. La non-linéarité, par exemple, souligne que les systèmes peuvent réagir de manière imprévisible aux perturbations, rendant les modèles linéaires traditionnels insuffisants. Le changement de paradigme, une autre notion clé, invite à repenser les règles du jeu et à envisager des approches totalement nouvelles pour faire face aux défis contemporains.


Un autre concept moins évoqué mais tout aussi important est celui de la disparition. En effet, la crise peut conduire à la disparition de certaines organisations ou même de sociétés entières. Cette perspective, bien que souvent évitée car jugée trop pessimiste, mérite d'être étudiée pour mieux comprendre les dynamiques de survie et de transformation.


Résilience et disparition : une dialectique créative


La disparition, bien que redoutée, peut aussi être vue sous un angle positif, notamment dans le cadre de la destruction créative de Schumpeter. La fin de certaines organisations peut ouvrir la voie à de nouvelles structures plus adaptées aux réalités post-crise. Cette vision rejoint la philosophie bouddhiste où la disparition n'est jamais définitive, mais une étape vers une renaissance sous une forme nouvelle.


Conclusion : vers une résilience proactive


Pour les managers et décideurs, intégrer la résilience dans la stratégie organisationnelle est indispensable. Cependant, cette résilience doit être proactive et adaptative, capable de saisir les opportunités offertes par les crises et d'éviter la stagnation. Adopter une vision large qui inclut la non-linéarité, le changement de paradigme et même la possibilité de disparition, permet de développer des stratégies plus robustes et innovantes.


La résilience ne doit donc pas être vue uniquement comme une capacité à résister, mais comme une aptitude à évoluer et à transformer les crises en opportunités de croissance et de renouveau. Cette approche holistique et dynamique de la résilience est essentielle pour évoluer avec succès dans un monde toujours plus complexe et incertain.


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